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    Le zonage en aménagement et ses effets

    السعيد الرس
    السعيد الرس
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    Le zonage en aménagement et ses effets Empty Le zonage en aménagement et ses effets

    مُساهمة  السعيد الرس الثلاثاء ديسمبر 01, 2009 9:42 am


    Le zonage en aménagement et ses effets
    Il y a cent ans, la zone n’était encore qu’une bande étroite de la surface d’une sphère,
    comme la surface de la terre délimitée par deux parallèles, avec, comme seule extension
    de sens, la zone des servitudes qui ceinturait une fortification. En un siècle, la chose
    militaire s’est considérablement civilisée (dans ce domaine comme dans d’autres, la
    poliorcétique est la mère de l’aménagement urbain), et l’on a zoné à foison. Les entrées
    de la lettre Z du dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement (Merlin & Choay,
    1996) sont intégralement constituées du mot zone et de ses dérivés, et la liste est loin
    d’être exhaustive. Dans le même temps sous l’influence du zoning anglo-saxon
    (largement réinterprété à la mode française au demeurant), est né une doctrine propre à
    l’urbanisme et à la planification urbaine, le zonage, dont la fortune fut vive mais somme
    toute assez brève.
    Le réquisitoire contre le zonage repose en grande partie sur la
    confusion qui est faite entre la doctrine et les pratiques : le zonage, identifié à la
    spécialisation fonctionnelle de l’espace, en particulier urbain, et à ses nombreux travers,
    est unanimement vilipendé depuis au moins un quart de siècle, alors que les pratiques
    du zonage, qui sont souvent très loin de la doctrine, perdurent, voire prolifèrent, mais
    de façon presque honteuse.
    Dans un des rares articles de référence sur le zonage, judicieusement intitulé «le zoning
    ou la nuit transfigurée », Jean-Pierre Gaudin relevait déjà ce paradoxe. Le zonage est,
    même en matière d’urbanisme, une méthode ancienne - J-P. Gaudin en voit par exemple
    les prémisses dans le plan de Karlsruhe de 1814 - et plutôt universelle, qui, dès lors, peu
    s’incarner de nombreuse manière en fonction des sociétés qui y recourent (Gaudin,
    1986). S’en tenir à la seule incarnation qui domina la première moitié du siècle dernier
    est sans doute réducteur. Le zonage est une catégorie de la représentation de l’espace

    pour l’action qui a, comme les autres, ses vertus et son défaut intrinsèques. Ce type de
    découpage a-t-il aujourd’hui perdu de sa légitimité en raison de ces défauts ou en raison
    de l’usage que l’on en a fait ? On tentera ici un début d’inventaire à charge et à décharge.
    Il s’agit auparavant de mieux cerner dans le foisonnement des zonages à la fois les
    pratiques et les principes d’actions qui relèvent plus spécifiquement du champ de
    l’aménagement et de l’urbanisme. On peut à cet égard partir de la typologie proposée
    par J-P. le Gléau qui a le mérite de la simplicité (Le Gléau, 1998). Cet auteur distingue
    classiquement les «zonages du savoir », pour l’essentiel les périmètres d’étude proposés
    de longue date par l’INSEE (bassin d’emploi, ZPIU, aire urbaine, zone de chalandise,
    etc.) des «zonages du pouvoir ». Ceux-ci comprennent les zonages institutionnels, c’est-
    à-dire le maillage largement hérité du passé des collectivités territoriales et ce qui relève
    de l’intercommunalité. Les zonages d ’action ou zonages administratifs spécialisés
    reflètent les modalités du découpage du territoire national en fonction des politiques
    publiques sectorielles, mais aussi des grandes entreprises publiques de service (des
    agences de bassin à la carte scolaire, des ressorts juridiques aux secteurs ANPE...). Enfin,
    les zonages d’intervention relèvent de la territorialisation ad hoc d’une action collective
    spécifique et prolifèrent particulièrement dans les domaines de la protection
    environnementale et patrimoniale (ZNIEFF, ZPPAUP, PER), de l’urbanisme (schémas
    directeurs, POS, ZAC...), de la politique de la Ville (DSU, zones franches urbaines...) et
    bien sur de l’aménagement du territoire (zones de reconversion industrielle, zones
    éligibles de la PAT, des fonds structurels, etc.).
    On voit que pour l’essentiel, la catégorie dominante en aménagement est celle des
    zonages d’intervention, zonages fonctionnels qui ont en théorie une durée de vie
    beaucoup plus courte que celle des maillages institutionnels. Cette idée simple est
    pourtant au cœur de la contestation récurrente que connaît dans la pratique ce type de
    découpage : soit que ce type de zonage se révèle à l’usage trop peu labile (le «provisoire
    qui dure »), la lourdeur d’une procédure de révision aboutissant finalement au rejet ou
    au contournement de la planification urbaine à travers ses outils (cas de figure classique

    des SDAU et des POS) ; soit que, par une inversion funeste mais constamment répétée,
    l’idéologie technocratique du siècle écoulé ait demandé que l’on ajuste le maillage
    institutionnel de longue durée aux «aires fonctionnelles » de la mobilité ou du
    fonctionnement économique d’un territoire dont les configurations sont au contraire
    éminemment mouvantes à moyen terme.
    Cependant, les autres types de zonages ne sont pas absents, comme on vient de le voir,
    dans la mesure où la question de l’interférence entre les découpages qui régissent
    l’ensemble de la vie de la collectivité et ceux qui relèvent de l’action collective sur
    l’aménagement de l’espace est traditionnellement construit comme un problème majeur
    de l’action publique : le fameux recouvrement des territoires fonctionnels et
    institutionnels dans un souci de «simplification ». On peut même se demander si les
    découpages, par un processus de réification que l’on abordera plus loin, ne sont pas des
    boucs émissaires commodes de l’inefficience politique. Par ailleurs, le glissement majeur
    des politiques urbaines et d’aménagement vers des objectifs de gestion et de régulation
    plutôt que d’équipement et d’urbanisation quantitative donne une importance cruciale
    aux découpages liés à l’exercice administratif des politiques publiques sectorielles
    comme aux services, qu’il s’agisse de l’éducation, de l’emploi ou de l’environnement.
    Il convient aussi d’introduire une nouvelle distinction qui, loin d’être anodine, relève de
    l’essence même de cette catégorie du découpage de l’espace. Selon le type de zonage
    considéré, deux fonctions différentes peuvent leur être attribuées. Il s’agit, d’une part,
    du pavage systématique et exhaustif d’un territoire donné, certes découpé en zones,
    mais en fonction de critères communs et homogènes. Les outils qui sont au cœur de la
    planification urbaine en France depuis la loi de 1967, les SDAU et les POS en sont
    évidemment la meilleure illustration puisqu’ils concernent l’allocation des usages du
    sol, mais cela vaut aussi, sous une forme peut-être atténuée pour d’autre instruments de
    la planification territoriale comme les Programmes Locaux de l’Habitat ou les Plans de
    Déplacement Urbain.

    D’autre part, la fonction principale d’une zonage peut être, à l’inverse, de distinguer par
    un périmètre une portion d’espace en fonction de critères spécifiques, d’un
    environnement qui reste indifférencié. Ici, nul souci d’une couverture exhaustive, mais
    au contraire mise en exergue de ce qui fait la singularité d’un lieu. La quasi-totalité des
    zonages mise en œuvre en matière d’aménagement du territoire comme de
    développement social urbain ces dernières années recourent à cette fonction dominante,
    comme en matière de protection environnementale ou patrimoniale (Parcs Naturels,
    périmètre Seveso, périmètre des Abords des Monuments Historiques et des Sites...). On
    pourrait pratiquement les qualifier de zonages d’exception, dans la mesure ou ce
    périmétrage dessine le ressort de procédures spécifiques : exemption fiscales, attribution
    de primes ou subvention, avis conforme d’un A.B.F., etc. . Cette distinction n’est pas
    sans conséquences sur l’implication juridique des zonages. Dans le premier cas,
    l’autonomie du droit, par exemple le code de l’urbanisme, n’est pas remise en cause.
    Dans le second, le droit n’est plus autonome mais dépend d’une expertise extérieure,
    généralement scientifique, pour établir la pertinence du périmètre. Plus encore, les effets
    pervers supposés de la mise en œuvre de ces types de zonages ne sont pas les mêmes
    selon que la fonction de pavage ou de périmétrage est dominante : on les abordera donc
    successivement.
    La contribution du zonage à l’éclatement de la ville
    On touche ici au principal reproche qui est généralement fait à propos de la mise en
    œuvre du zonage en matière de planification urbaine, ainsi qu’au quiproquo qui fait que
    l’on assimile, de façon volontaire ou non, une doctrine et un principe sous le même
    terme. Le découpage en zones d’une ville existante comme de ses extensions projetées
    apparaît en Allemagne au XIX° et au début de ce siècle aux Etats-Unis, avant de se
    généraliser dans la doctrine et la pratique des urbanistes, notamment en France.
    L'apparition du zoning dans l'ordre politico-administratif de la planification urbaine,
    donc sa mise en pratique, est plus tardif. La légalité du zoning est reconnue aux Etats-
    Unis dès les année 20 (Topalov 1988). En revanche, ce mode de découpage ne fait qu'une

    timide apparition dans le droit de l'urbanisme français avant guerre pour n'être
    réellement consacré que dans les années 50-60 (décrets-lois de 1958 sur les Z.U.P. et les
    Z.A.D., et surtout la loi d'orientation foncière de 1967 créant les POS et les SDAU).
    Le cas de figure français est donc particulier dans la mesure où la doctrine, ou en d’autre
    termes, les prémisses d’une science de la ville que les urbanistes français de l’entre-
    deux-guerres appelaient de leurs voues à précédé la pratique proprement dite du
    «pavage » propre aux plans d’urbanisme. La doctrine du zonage s' d'est abord imposé
    comme une tentative de régulation du "désordre urbain" des villes de l' industrielle etère
    de réponse à la vieille question de la promiscuité entre l'usine et le logement. Mais, très
    vite, le principe de la séparation des fonctions qui se confond alors avec le zonage
    s'étend à l'ensemble des composantes de la ville (production, commerce, bureaux,
    enseignement supérieur ou établissements sanitaires...) comme à l'intérieur de la sphère
    de la résidence urbaine (des quartiers ouvriers aux "quartiers résidentiels"), devenant
    ainsi à la fois universel et systématique.
    Dès lors, cette application doctrinale du zonage a naturellement suscité une contestation
    qui est devenu au fil du temps une opinion hégémonique. Le systématisme de la
    séparation des fonctions aurait conduit ou à tout le moins favorisé aussi bien
    l’effacement de la centralité que l’éclatement de la mixité fonctionnelle qui étaient
    notamment au fondement de la ville européenne. La séparation excessive des lieux
    dédiés de façon univoque à la résidence, au travail et à la consommation entraîne des
    effets néfastes par le biais de l’augmentation de la mobilité motorisée sur
    l’environnement et les modes de vie. A cet argumentaire s’est ajouté un temps, en
    France, la critique qui faisait du zonage l’agent essentiel de la ségrégation socio-spatiale
    dans la sphère résidentielle urbaine.
    L’aspect doctrinal plutôt que pragmatique de ce zoning à la française (mais la doctrine a
    connu de son temps un succès universel) est particulièrement visible dans les écrits ou
    les manuels d’urbanisme de la première moitié du XX° siècle, qui précèdent justement

    sa mise en pratique. La recherche d’une «loi naturelle » de la tendance à la séparation
    des fonctions dans l’histoire des villes en remontant jusque dans l’antiquité en est un des
    traits révélateur. Ainsi René Danger qui en remonte à des formes anciennes de
    «spécialités dans l’établissement humain », comme les regroupements spécialisés
    d’artisans dans la ville qui ont donné les rues des métiers (rue des orfèvres, rue des
    tanneurs...) pour prouver la naturalité du zoning (Danger, 1947). Il peut être amusant de
    noter que l’avatar contemporain de ces regroupements spécialisés, les «entrées de ville »
    qui concentrent de nombreuses enseignes de la grande distribution, notamment dans
    l’équipement de la maison, sont apparus en dehors, voir contre les objectifs des Schémas
    Directeurs des années 60-70, qui représentent pourtant l’acmé du zoning !
    Ceci s’apparente d’ailleurs à l’une des raisons qui font de la remise en cause du zoning
    un débat quelque peu dépassé. La première serait, comme on l’a dit, que cette doctrine
    du zoning urbain n’a plus de défenseurs. La seconde tient bien évidemment au
    scepticisme qui se généralise quant à l’efficience même de la planification urbaine, et
    donc a fortiori de l’impact réel de ses effets supposés. Enfin, la montée en puissance de
    nouvelles doctrines autour des thèmes de «la ville qui se reconstruit sur elle-même » et
    du renouvellement urbain plutôt que sur la nécessité de maîtriser la croissance extensive
    des agglomérations urbaines relativise beaucoup l’efficacité opérationnelle du pavage
    systématique.
    De fait, si le débat doctrinal s’est aujourd’hui largement essoufflé, n’y aurait-il pas plus
    profondément une perte réelle de l’efficacité à la fois gestionnaire et opérationnelle de la
    «fonction pavante » du zonage, et plus encore, de sa force cognitive ? Certes, la fonction
    première du zonage en urbanisme, telle qu’elle apparaît au début du siècle aux Etats-
    Unis (Topalov, 1988), est avant tout d’être un outil qui permette la gestion concertée du
    marché foncier et des rapports entre capitaux fonciers, constructeurs et pouvoirs publics
    : ce rôle de «règle du jeu » du marché foncier urbain semble toujours nécessaire. En
    revanche, si le zonage a longtemps permis de troquer de l'espace contre du temps, par
    ses potentialités de phasage opérationnel, l’action urbaine y fait aujourd’hui de moins en

    moins recours. Le tripode POS - zones NA - ZAC qui fit les beaux jours de l’urbanisme
    opérationnel en France a depuis quelques années fait long feu. Les démarches qui
    relèvent soit du type de la planification stratégique, soit du projet urbain et qui ont fleuri
    ces dix dernières années se démarquent nettement, en France du moins, de la pratique
    qui consiste à découper un territoire urbain en zones dotées de frontières précises et
    contiguës.
    Le pavage rencontre enfin deux limites qui relèvent de la réalité de la ville
    contemporaine. Celle ci est sinon éclatée, à tout le moins réorganisée à l’échelle de
    régions urbaines où le fonctionnement urbain s’appuie des discontinuités spatiales: le
    pas du découpage devient alors soit trop fin et produit une représentation illisible, soit
    trop large et n’a plus de pertinence. Plus encore, l'univocité d' représentation fondéeune
    sur un maillage d'espaces contigus où les seules discontinuités sont celles des frontières
    de zones ne permet pas de saisir le rôle majeur joué par les réseaux de circulation,
    d'énergie et de communication dans la recomposition de la ville où les nœuds compte
    autant que les zones, les connexions autant et plus que les frontières, le temps autant et plus que
    l'espace (Dupuy, 1991).
    Pour autant, il est tout à fait possible d’imaginer un zonage défini à partir de critères
    d’accessibilité aux réseaux de transport, comme l’affiche le principe du zonage A - B - C
    des agglomérations urbaines, mis en avant (sinon réellement mis en pratique) par les
    Pays-Bas. Le pavage est une catégorie de la représentation de l’espace suffisamment
    universelle pour se ressourcer à l’avenir, car les enjeux de contiguïté et de proximité
    spatiale ne disparaissent pas pour autant dans la ville contemporaine. En revanche, le
    zonage comme vecteur du mythe d’une représentation holiste des établissements
    humains dans l’espace pour guider l’action collective, même à grands renfort de
    systèmes d’information géographique, ne devrait pas survivre.
    Les effets de périmètre: de l’arbitraire à la stigmatisation

    Alors que la « fonction pavante » du zonage paraît globalement en recul, le nombre et la
    diversité des « zonages d’exception » ne cessent de croître. Dans le domaine de l’action
    économique par exemple, différents types de périmètres dérogatoires se sont multipliés
    de par le monde, qualifiés de zones franches, de zones de non-droit, voire de zone « hors
    la loi » à propos des paradis fiscaux. La mise en œuvre des mesures d’exonérations ou
    d’allégements fiscaux, de dérogations au droit du travail, d’assouplissements
    administratifs ou réglementaires divers qui fondent ce type d’intervention économique
    s’accompagne nécessairement de la mise en place d’un zonage (Lefebvre, 1998). De
    même, la mise en œuvre de la politique de développement social urbain en France
    repose dès l’origine sur le découpages de secteurs urbains éligibles aux aides dans le
    cadre de cette politique, dont plusieurs centaines ont été érigés en 1995 en autant de
    périmètres dérogatoires permettant la mise en place de « mesures discriminatoires
    positives » culminant dans les 38 « zones franches urbaines ». On a déjà dit que la
    territorialisation de la politique de la DATAR, mais aussi celle du ministère de
    l’Environnement comme celle du ministère de la Culture pour la protection
    patrimoniale reposait presque exclusivement sur la mise en place de telles « zones
    d’exception ».
    Ce foisonnement contemporain devrait activer ou réactiver de nombreuses critiques à
    propos des effets indésirables liés à la mise en place de tels périmètres. Curieusement,
    même s’il est difficile d’avoir une vision globale compte tenu de la diversité des
    domaines et des objets territoriaux concernés, l’impression dominante est plutôt celle
    d’une grande ambiguïté, se traduisant comme l’a noté S. Lefebvre à propos des zones
    franches, par un registre sémantique qui va du très négatif au très positif. On peut
    néanmoins distinguer deux tendances. La première porte naturellement sur l’arbitraire
    qui préside au dessin de ce type de zonage et comprend deux versions: soit que l’on
    dénonce la surimposition d’un découpage rationnel a priori, et finalement d’essence
    technocratique, sur des réalités locales; soit, au contraire que l’on désigne la
    manipulation politique ou politicienne de critères supposés rationnels ou scientifiques

    pour élaborer un périmètre ad hoc. C’est en quelque sorte la relation incestueuse entre
    découpages du savoir et découpages du pouvoir qui est en cause.
    La seconde concerne les effets inattendus de ce type de zonage, dont l’objet est
    justement de produire des effets : qu’il s’agisse d’effets indésirables, ou même d’effets
    inverses, comme, par exemple, le fait d’instaurer un périmètre de discrimination
    positive conduisant à renforcer en réalité une stigmatisation négative. C’est plutôt ici un
    processus d’induration ou de réification du zonage qui en serait le vecteur.
    Un des zonages les plus « arbitraires » que l’on puisse trouver dans la législation
    française est sans doute le périmètre de protection des abords des monuments
    historiques au titre de la loi du 25 février 1943 modifiant la loi du 31 décembre 1913
    (articles 13 et 13 bis). Selon ces articles, dans un rayon de 500 mètres autour du bâtiment
    classé, tout immeuble situé dans le champ de visibilité de l’édifice classé « ne peut faire
    l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements
    publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement,
    d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une
    autorisation préalable » de l’Architecte des Bâtiments de France. Ce zonage d’exception
    fortement contraignant est donc un « rond bête et méchant » surimposé a priori,
    d’autant plus arbitraire que la rédaction de la loi de 1943 est elle-même entachée d’une
    « erreur du législateur », puisqu’elle stipule un « périmètre de 500 mètres » en lieu et
    place du rayon! La seule modification que ce périmètre est susceptible de connaître est
    son élargissement: ainsi le périmètre de protection du château de Versailles est-il porté à
    5 km, mesurés parait-il à partir de la chambre du Roi.
    Ce qui fait de ce zonage un exemple intéressant pour notre propos, c’est qu’on peut
    depuis 1983 lui substituer un autre périmètre, celui de la Zone de Protection du
    Patrimoine Architectural, Urbain (et Paysager). Certes, la création de la procédure de
    ZPPAUP traduit surtout un élargissement et un approfondissement de la perception
    sociétale du patrimoine, notamment aux tissus urbains et aux ensembles paysagers. Elle

    participe aussi du mouvement de décentralisation puisque l’établissement de ce zonage
    est négocié entre l’Etat et les collectivités locales, et est soumis à enquête publique. Par
    ailleurs il doit se fonder sur la conciliation entre l’intérêt culturel et patrimonial et le
    développement économique et social du territoire. Il s’agit donc du passage d’un zonage
    a priori à un zonage négocié.
    L’examen de 24 ZPPAUP de substitution crées en Rhône-Alpes de 1987 à 1994 (elles
    concernent pour l’essentiel des villages ou bourg ruraux) permet de dégager trois types
    de modifications, en ne s’en tenant qu’au seul redécoupage et non au contenu ou aux
    critères de la protection. Dans le premier cas, les corrections du « rond bête et méchant »
    sont mineures, limitées dans quelques exemples à l’intégration d’un redent ou d’un
    appendice (Yvoire en Haute-Savoie, Joyeuse en Ardèche ou la Benisson Dieu dans la
    Loire). Certes, le modèle implicite du rayon de 500 m était le bourg d’origine médiéval
    blotti autour du château et de l’abbaye, et cette situation se rencontre aussi dans la
    réalité. Pour autant, nonobstant des adaptations à une réalité morphologique concrète,
    c’est ici plutôt la prorogation du zonage a priori et de ce qu’il implique (covisibilité en
    contiguïté) qui l’emporte.
    Dans le second cas de figure, le nouveau zonage procède au contraire
    d’une
    rectification majeure du périmètre, soit par un accroissement considérable de l’aire de
    protection (décuplement, voire plus dans le cas de Saint-Antoine dans l’Isère), soit par
    une déconnexion complète des deux périmètres (Salles-Arbuissonnas ou Thizy dans le
    Rhône). Cela traduit pour l’essentiel le passage d’une définition des abords par la
    contiguïté à une définition élargie, voire inverse, qui privilégie les nouvelles notions de
    cônes de vue et de grands paysages.
    Le dernier type de ZPPAUP se distingue moins par des modifications de périmètre que
    par le fait qu’elles substituent à une seule zone univoque un découpage en plusieurs
    zones déclinant différents degrés de protection ou de constructibilité (Grignan dans la

    Drôme, et tendanciellement, la plupart des ZPPAUP récentes). Sous le zonage
    d’exception, c’est le pavage qui renaît, sur le modèle même du POS!
    Les enseignements, partiels et provisoires, que l’on peut tirer de cet exemple sont là
    aussi de nature paradoxale. Malgré la réelle rupture, voire l’inversion des fondements
    de la démarche qui produit le zonage d’une procédure à l’autre, il n’y a pas cinquante
    manière de découper un territoire, et l’on retrouve des modèles éprouvés (le « rond
    amendé » ou le pavage façon POS), reflet tant de la culture professionnel des experts
    que des représentations collectives des acteurs territoriaux. Par ailleurs, la tendance
    générale est à l’élargissement, assortie de sophistication, du territoire soumis à
    dérogation, et donc à un renforcement du principe de zone d’exception. Enfin, les
    modifications de périmètre reflètent effectivement une prise en compte des
    caractéristiques d’un territoire concret, mais plus encore la montée en puissance d’une
    nouvelle doctrine en matière patrimoniale, construite autour des notions d’intérêt
    culturel et d’ensemble paysager. L’impact des ZPPAUP, notamment en matière de
    constructibilité peut être très lourd: le périmètre des 500 mètres est certes arbitraire mais
    le zonage doctrinal à dire d’expert est lui par nature contestable, et ouvre largement la
    porte au contentieux. L’opposition entre zonage arbitraire et zonage négocié n’est donc
    pas si évidente, et renvoie davantage à l’évolution de l’intérêt général qu’à la façon de
    découper.
    Bien sûr, tout zonage fonctionnel est supposé labile, à tout le moins révisable. Bien
    souvent néanmoins, la loi bien connue du « provisoire qui dure » l’emporte. Tel zonage
    alors s’indure, la stabilité d’un périmètre renforçant sa légitimité, mais aussi la
    production d’effets indésirables liés au périmétrage entraînant la nécessité d’une action
    thérapeutique dans le même périmètre : c’est ainsi que les Z.U.P. triomphantes se
    retrouvent « zones de revitalisation urbaine » 25 ans plus tard.
    Le zonage qui dure est en quelque sorte réifié, et la procédure qui le porte donne son
    nom par métonymie au lieu qu’elle découpe, voire à ses habitants (la Z.U.P. et la ZAC

    en sont les meilleurs exemples). Ceci ne porte pas nécessairement à conséquence, si ce
    n’est que cette induration s’accompagne presque toujours d’une stigmatisation négative.
    Il y a plus d’un siècle, la zone non aedificandi des « fortifs » des Paris était déjà devenue
    la Zone, et ses habitants, les « zonards ». La servitude d’inconstructibilité prolongée par
    les atermoiements du projet de sa reconversion a amené le développement d’un habitat
    informel et illégal et le regroupement d’une population « d’indésirables » dont les
    mœurs et les activités illicites étaient couverts d’opprobre.
    Cette stigmatisation a-t-elle réellement à voir avec les principes même du zonage? En
    partie oui, ou du moins avec le manque de précaution dans l’usage technocratique de
    cette façon de découper revenant à distinguer un morceau de ville existant ou à
    aménager, par des caractéristiques morphologiques, sociales ou économiques jugées
    particulières.
    Les « quartiers en difficultés » relevant de la politique de la Ville sont particulièrement
    révélateur des effets pervers de ce mode de découpage. Ces effets pervers sont de deux
    ordres:
    l'isolement artificiel, sur la base de seuils socio-démographiques (taux de
    chômage, de population étrangère, de jeunes...) de morceaux de ville dans le continuum
    urbain, et le lissage des différenciations internes. Ces deux effets se renforcent l'un
    l'autre et favorisent un processus de stigmatisation, dans ce cas, très négative. Or,
    malgré la dénonciation de ces effets pervers dans le débat public dès les premières
    expériences de DSQ des années 80, ce mode de découpage s' renforcé dans la durée,est
    jusqu' son avatar le plus récent sous forme de "zones franches" ou de "zones deà
    revitalisation urbaine". Le souci de distinguer des espaces dont les populations
    cumulent des handicaps au regard de ce qui est considéré comme la normalité, en
    renforce la visibilité sociale et spatiale.
    Le processus métonymique qui assigne, par la réification du zonage, une population à
    un espace (et réciproquement) est en fait un processus de simplification. Comme toute
    catégorie de la représentation pour l’action, le zonage opère intrinsèquement une

    réduction et une simplification du réel. Le fil directeur qui relie ces quelques exemples
    d’usages critiqués de ce mode de découpage serait en quelque sorte l’oubli des effets de
    réalité que produit cette simplification du réel. Une manière de se garantir contre ce
    risque tiendrait alors à la pluralité des zonages qui se juxtaposent et s’enchevêtrent sur
    un même espace soumis à l’action collective en matière d’aménagement. Cette vertu de
    la concaténation des zonages vient pourtant à contre-courant de la vieille tendance
    française à vouloir, de façon récurrente, simplifier le nombre et les types de zonages, ce
    qui revient finalement à prendre la maladie pour le remède.
    Références bibliographiques
    Danger, René: Cours d’Urbanisme - Paris, Ed. Eyrolles, 1947
    Dupuy, Gabriel: L'urbanisme des réseaux, théories et méthodes - Paris, A. Colin, 1991
    Gaudin , Jean Pierre: Le zoning ou la nuit tranfigurée; Culture Techique, n° Hors série,
    L'usine et la ville - 150 ans d'urbanisme 1836-1986, 1986, pp.57-64
    Lefebvre, Sylvain: Découpage et dérogation; les zones franches économiques - in Les
    découpages du territoire, INSEE, Coll. Méthode,n°76/77/78 1998
    Merlin, Pierre, Choay, Françoise: Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement - Paris,
    PUF, 1996
    Scherrer, Franck: Figures et avatars de la justification territoriale des infrastructures urbaines,
    in Gariépy, Michel & Marié, Michel (Dir.): Ces réseaux qui nous gouvernent, L'Harmattan,
    1997
    Scherrer, Franck: Découper pour l’action; naissance et évolution des découpages liés à
    l’aménagement urbain - in Les découpages du territoire, INSEE, Coll. Méthode,n°76/77/78
    1998

    Topalov Christian: Naissance de l'urbanisme moderne et réforme de l'habitat populaire aux
    Etats-Unis 1900-1940, CSU, rapport de recherche au Plan Urbain, février 1988
    Vanier, Martin: La petite fabrique de territoire en Région Rhône-Alpes: acteurs, mythes et
    pratiques, Revue de Géographie de Lyon, 1995-2.

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    Le zonage en aménagement et ses effets Empty رد: Le zonage en aménagement et ses effets

    مُساهمة  عنتر الجزائر الأربعاء ديسمبر 02, 2009 1:13 am

    مشكور على الموضوع javascript:emoticonp('study')

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